Elisa Norrell - Gold in her hands

Tout a commencé pour elle alors qu'elle n'avait que deux ou trois ans. Petite fille rieuse et pleine d'énergie, elle était adorée de ses parents et faisait la joie de tout le monde dans sa famille et dans son quartier. Sauf que le destin a décidé de lui jouer un mauvais tour, en faisant tomber sa mère malade. Une tuberculose mal diagnostiquée et mal soignée qui l'emporta en quelques semaines à peine, et bien sûr, Elisa ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas pourquoi elle n'avait pas le droit de voir sa mère, pourquoi sa maman ne venait plus jouer avec elle, pourquoi on n'arrêtait pas de lui dire de rester sage et tranquille dans sa chambre alors qu'on ne prenait pas beaucoup de temps pour s'occuper d'elle, et puis, qui étaient tous ces gens qui venaient et repartaient sans cesse? Sa grand mère s'installa avec eux pour aider du mieux qu'elle pouvait mais le mal était fait... Martha Norrell s'éteignit un soir de novembre, laissant derrière elle un mari, Charles, ouvrier dans une usine Ford, et leur petite Elisa. La gamine comprit tant bien que mal qu'elle ne reverrait plus jamais sa maman, qu'elle était au ciel, mais dans une si petite tête, il y a un gouffre entre comprendre quelque chose, et s'en rendre compte dans la vie de tous les jours.

Mais malgré cette perte la petite s'adapte vite et la vie reprend son cours. Son père gère la maison tant bien que mal, aidé par ses parents qui décident de venir habiter plus près. Charles reprend le chemin de l'usine, et emmène Elisa au cimetière tous les dimanches après la messe, déposant un bouquet de fleurs sur sa tombe. Les années passent, et à l'école puis au collège la petite chipie se montre une élève douée et brillante, excellant surtout en sciences et en maths. Ses professeurs l'encourageaient à poursuivre ses études mais son père était de la vieille école, et surtout, il ne roulait pas sur l'or. Alors même si on lui proposa une bourse, il refusa, décrétant que la place d'une fille n'était pas à l'université. Elisa pensait aussi qu'il avait peur de trahir son milieu et ses origines en permettant à sa fille de se lancer dans un parcours universitaire auquel il n'aurait jamais pu prétendre. La place d'une jeune fille respectable était à la maison ou au travail, mais pas dans cet endroit où il y avait trop de fêtes et de débordements pour lui. Il avait toujours été d'un naturel protecteur, surtout qu'il l'avait élevée seul, et ce n'était pas parce qu'elle avait terminé ses études que ça allait changer.

Elisa l'a détesté pour ça, elle trouvait ça injuste bien sûr;.. surtout que si elle avait été un garçon, la question ne se serait pas posée, et la voie des études lui aurait été ouverte. Mais comme c'était une fille, son univers allait se limiter à un travail minable jusqu'au moment où elle allait se marier, et ensuite elle deviendrait une sage femme au foyer qui s'occuperait du dîner, du linge, des courses, des enfants, et qui devrait en plus dire merci pour tout ça... Et si au fond elle savait que son père ne voulait que son bien, et la protéger, cela n'empêchait pas qu'elle garde un goût amer dans la gorge. Elle eut seulement le droit d'aller dans une école de jeunes filles qui lui apprit la comptabilité et le secrétariat, tout comme la sténographie, et elle eut son diplôme de secrétaire au bout d'un an. Un an où son esprit piétinait et gambergeait, obligé d'apprendre des modèles de lettres alors qu'elle s'intéressait à la physique quantique et aux mathématiques avancés. Bien sûr elle préférait lire des ouvrages théoriques qui faisait hausser les yeux à la bibliothécaire à chaque fois qu'elle se présentait à son comptoir avec sa pile de bouquins sous le bras mais qu'importe. Elle continuait d'apprendre de son côté, noircissant des pages de carnet de son écriture fine et serrée et commençant aussi à utiliser toutes ses lectures pour bricoler et inventer des petits trucs. Elle adorait s'installer dans le garage de son père et utiliser ses outils pour réparer le frigo, imaginer un nouveau système de verrou pour la maison, et même bricoler la voiture familiale sans que son père en sache rien, s'étonnant juste à quel point la vieille Buick était fiable et qu'il n'avait jamais aucun problème dessus.

Peu après son diplôme, sa tante Mildred arriva chez eux avec une annonce soigneusement découpée dans le journal : la compagnie du téléphone recherchait des secrétaires et des standardistes. Voilà un métier respectable pour une jeune fille... En plus, d'après l'annonce, elle ne travaillerait qu'avec des femmes. Le père étant rassuré, Elisa se présenta donc dès le lendemain dans sa plus jolie robe et après un long entretien elle fut engagée. Une fois face au recruteur, on lui expliqua que s'il y avait vraiment la compagnie du téléphone, l'annonce concernait une agence gouvernementale, à savoir le SHIELD, et que tout ce qui se passait ici était strictement confidentiel. Elle était ravie, enfin quelque chose qui pimentait un peu sa vie trop tranquille à son goût! Elle accepta, évidemment, cachant à sa famille pour qui elle travaillait vraiment, et commença son nouveau job. Seulement elle déchanta vite : elle et les autres jeunes filles étaient bien reléguées au rang de secrétaires tout juste bonnes à faire des copies des rapports et à faire le café, et la plupart des agents ne retenaient même pas leurs prénoms, se contentant de les appeler ''Ma jolie, ma mignonne ou trésor". La seule qui avait grâce à ses yeux était Peggy. La seule femme agent, qui avait connu le mythique Captain America et qui avait participé à la guerre!

Et depuis son bureau, tapant des rapports et des dépêches en provenance ou à destination du monde entier, elle espérait elle aussi pouvoir aider, en faisant plus qu'en rapportant le café, imaginant des prototypes d'armes et d'autres gadgets dans ses calepins sagement enfermés dans un tiroir...